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L'Entretien d'explicitation: de la découverte à la passion, Expliciter 100 octobre 2013
-télécharger l'article (page 135)Ma découverte de l’explicitationJuillet 1987. Je me sens un peu coupable de laisser mari et enfants à la maison mais je m’autorise une semaine de formation à Marseille : une université d’été à propos de l’évaluation formatrice animée par Georgette Nunziati ! Nous sommes deux collègues ayant déjà essayé de mettre en place l’évaluation formatrice dans nos classes de collège. Ce n’est pas facile. Nous attendons donc avec impatience l’intervention d’un certain Pierre Vermersch qui pourrait bien nous aider dans l’étape de verbalisation, par les élèves, des démarches qu’ils utilisent pour réaliser les tâches scolaires. Un exposé de Pierre et c’est la découverte de cette mémoire particulière déclenchée par les sensations. Je souffle à ma voisine : « c’est Proust ! ». Je suis fascinée : on pourrait avoir accès au fonctionnement cognitif de l’élève et dépasser les « je ne sais pas » ! Puis arrive un exercice où je dois résumer un texte de Piaget auquel je ne comprends rien…C’est alors la prise de conscience que certains élèves pourraient bien éprouver le même sentiment d’impuissance lorsqu’ils abordent un problème de mathématiques que je leur demande de résoudre. La marche vers l’humilité est enclenchée… Le début d’une aventure se dessine avec de beaux apprentissages expérientiels. Un Groupe se constitue (au sein de l’IREM de Lyon) et Pierre vient nous accompagner, muni de sa technique d’explicitation, dans la mise en place de l’évaluation formatrice. Nous expérimentons la position de questionné et l’envie d’aller plus loin est suscitée. C’est alors le vécu d’un stage de base sur Lyon avec la découverte d’outils précieux dont le recadrage par les sous modalités, le sixième jour : Je suis A dans un sous- groupe de trois. Mes collègues m’accompagnent à évoquer une situation de confusion puis une situation de compréhension. Description en sous modalités…Je suis en évocation et en même temps ne me sens pas très bien, mes accompagnatrices sont elles-mêmes en difficulté devant l’exercice à faire et ne décèlent pas mon malaise. Elles arrêtent brutalement l’entretien. Moi, j’ai toujours un peu le vertige. Le questionnement sur la situation de confusion a fait émerger quelque émotion négative que je n’ai pas verbalisée et l’atterrissage a été un peu brutal… Sur les conseils de Pierre je vais prendre un verre avec deux copines avant de prendre la route… et je ressors de cette expérience très attentive au non verbal des personnes que je questionne, très vigilante à déceler l’émotion chez l’autre afin de rediriger son attention vers la description de l’action…Des années plus tard, cette situation toujours en mémoire, j’amènerai les stagiaires à repérer les effets perlocutoires de certaines de leurs questions qui dirigent l’attention vers la description de l’émotion. Je me lance !Après ces 6 jours de formation, je suis enthousiaste, j’ai trouvé un créneau : je vais animer un atelier d’aide à la lecture au collège! J’apporte le magnétophone, j’enregistre et j’apprends beaucoup de mes erreurs… Je commence mes premiers questionnements en me débarrassant très vite du contrat de communication sans bien entendu penser à le renouveler. Je prononce la formule magique, ne suis absolument pas attentive à la réponse de l’élève et continue tranquillement mon questionnement toute étonnée à la fin d’y avoir passé beaucoup de temps sans grand succès…C’est ainsi que je vois petit à petit les regards étonnés des élèves face à mes questions mais, comme cela ne se fait pas d’envoyer balader un professeur, j’obtiens toujours une réponse. L’ennui, c’est que nous tournons en rond… Je modifie donc progressivement mon attitude : je demande l’accord et j’attends la réponse tout en scrutant le non verbal, j’apprends peu à peu à déceler les signes de résistance, indicateurs de la nécessité de renouveler le contrat. Je reste particulièrement marquée par cet entretien mené auprès de Cédric. Il dure longtemps mais je suis contente : j’ai vu l’élève partir en évocation et j’ai utilisé les sous modalités ! Je retranscris et, très fière, je l’apporte lors de la prochaine séance de travail avec Pierre. Je vais prendre conscience qu’en rebondissant sur un mot prononcé par Cédric, j’avais perdu de vue mon objectif de recueil d’informations (comprendre comment Cédric avait fait pour lire une consigne). J’avais en arrivant avec mon super magnétophone sous le bras, un objectif non conscient : « faire de l’explicitation » et utiliser un maximum d’outils ! Ce jour- là, j’ai appris qu’être au clair avec mon objectif et me centrer sur le questionné m’aideraient à adapter les bons outils pour recueillir l’information dont j’ai besoin pour aider l’autre. Je vais de surprise en surprise en questionnant mes élèves qui verbalisent des modes de pensée que je n’aurais pu imaginer. Découvrir qu’il se passe autant de choses dans la tête d’un élève avant qu’il rende feuille blanche, comprendre la démarche qui a conduit à une erreur me fait regarder les élèves en difficulté autrement. Leur faire prendre conscience qu’ils réfléchissent même quand ils « font faux » me permet de les valoriser. Certains éprouvent moins le besoin alors d’attirer mon attention en classe par des comportements inadéquats. Grâce à l’EdE, j’arrive à mieux gérer les élèves perturbateurs : au lieu de me contenter de les sermonner, je m’attache à retracer l’historique d’un incident et prendre en compte leur point de vue. Mon identité de professeure commence à bouger particulièrement lorsque j’ai accès à ce que certains ont retenu ou compris de mes cours. Ainsi cet élève de seconde qui me répond « qu’il ne voit rien dans sa tête » après que j’ai demandé à la classe quelle était l’image d’un nombre par une fonction que j’avais donnée. J’attendais le résultat d’un calcul et cet élève me donne toute autre chose. Je réalise que mes belles explications ponctuées d’exemples et de dessins n’ont pas atteint leur objectif. Mes certitudes sont ébranlées : Il n’y a pas LA façon (la mienne en l’occurrence) d’aborder tel problème, je ne peux donc plus continuer à être celle qui interprète les erreurs et les comportements des élèves, celle qui détient le savoir, ni même un certain pouvoir… Je deviens moins rigide et j’accepte de me mettre quelques minutes en évocation devant la classe pour répondre à la question : « mais vous Madame comment vous avez fait pour trouver la solution ? » Mes premières formationsL’envie de diffuser à d’autres enseignants se manifeste assez vite. Comment peut-on se passer d’un outil aussi génial? C’est ainsi que je me lance pour la première fois dans une sensibilisation d’une demi-journée auprès de formateurs de formateurs. J’ai retenu qu’il est important de faire des démonstrations de la technique donc après mon exposé, je réalise un questionnement (pas très réussi je dois dire) d’une personne devant le groupe. Vient le temps du repas tous ensemble, et j’entends dans mon dos, un des stagiaires dire : « intéressant mais alors la formatrice, elle n’arrêtait pas de bouger les jambes, ça m’a gêné ! ». Quelque temps plus tard, je suis assistante auprès de Pierre et je suis A dans un exercice par trois où je choisis d’explorer cette fameuse situation de formation et plus particulièrement le questionnement de ce stagiaire au fond à droite. Il me revient que pendant cette intervention, que j’ai faite assise devant le groupe, mes jambes oscillaient très régulièrement. Pierre, qui circule dans les sous-groupes, prend la main et je réalise alors, grâce à son questionnement, que j’ai été gênée par le fait d’être éloignée de cette personne (le groupe était important donc la salle assez grande). Pierre me demande ce qui m’a empêchée de me rapprocher d’elle et je réponds : « ce statut de formatrice était tellement lourd à porter ! ». Eclat de rire et prise de conscience : d’une part du poids que je m’étais mis sur les épaules pour cette première intervention et d’autre part qu’il ne m’était pas possible de questionner quelqu’un trop éloigné de moi. Je vais donc pendant plusieurs mois me déplacer avec une chaise à chaque fois que je questionne quelqu’un au sein d’un groupe. En formation cela va produire un effet très théâtral. Peu de naturel mais au moins j’arrive à questionner ! Vers le changement de métierLes formations de base à l’explicitation s’organisent à l’IREM de Lyon et les stages proposés se font en co-animation. Nous utilisons les techniques d’explicitation entre nous pour revisiter les journées de stage et réguler. J’apprends à gérer le groupe particulièrement au moment des feed back d’exercices. Je comprends petit à petit que je ne suis pas uniquement celle qui transmet une technique mais je deviens celle qui facilite les prises de parole, permet à chacun de verbaliser son vécu, je lâche prise et je fais confiance au groupe pour que chacun apprenne grâce aux interventions des autres. Un beau jour je découvre que, pendant les feed back d’exercices, je n’éprouve plus le besoin de me rapprocher de mon interlocuteur pour le questionner en explicitation. J’arrive à mettre au second plan cet objectif de démonstration de la technique (dont je m’étais fait une montagne !), pour tout simplement adopter la posture de la formatrice qui écoute, regarde les stagiaires et parfois fait expliciter afin de comprendre ou aider à mieux comprendre. Je me centre sur mon interlocuteur, mes questions deviennent plus pertinentes et permettent aux stagiaires de modéliser. Parallèlement aux animations de stage j’enseigne toujours les mathématiques. Je m’implique, au sein de mon établissement, dans des projets collectifs d’aide aux élèves et je tente de communiquer à mes collègues ce que l’EdE m’a permis de découvrir, en particulier ma croyance que seul l’élève détient l’information sur sa propre logique. Je réussis avec un petit nombre d’entre eux mais j’essuie également quelques déboires qui me font comprendre que je n’ai pas le pouvoir de transformer l’autre. J’abandonne progressivement ma mission de convaincre tout le monde de faire bouger les méthodes pédagogiques. Les verbalisations des élèves continuent à me transformer : je suis persuadée que la paresse n’existe chez aucun d’entre eux, qu’il peut y avoir du découragement face aux jugements négatifs et que tout effort même minime mérite d’être valorisé. Je modifie la rédaction des appréciations sur les bulletins en évitant tout jugement négatif et en même temps je souffre de lire les appréciations blessantes rédigées par certains de mes collègues. Mon discours face aux élèves et leurs parents évolue : je partage avec eux ma conviction que les erreurs sont inévitables pour apprendre, qu’elles m’intéressent pour pouvoir les aider à progresser et en même temps je souffre de devoir mettre des mauvaises notes. Je compense par des questions inspirées de l’EdE que je rédige sur les copies pour faciliter le travail des élèves sur leurs erreurs. Je réalise que je suis tiraillée entre le rôle d’évaluatrice qui m’est imposé par l’Education nationale et celui d’aide à l’apprentissage qui me motive davantage. Je me détache petit à petit de l’Institution, mon besoin d’indépendance s’affirme et la passion de transmettre l’Explicitation l’emporte sur la passion des mathématiques. En 2003 je saute le pas et j’abandonne le métier de professeure pour m’installer comme consultante formatrice. Je profite désormais de la richesse des rencontres lors des stages que j’anime. Je garde précieusement en mémoire certains témoignages comme de véritables cadeaux : cette consultante qui m’écrit que jamais auparavant les candidats au recrutement ne lui avaient décrit leurs expériences de manière aussi détaillée et productive. Cette psychologue qui revient d’une séance d’analyse de pratique auprès d’ accompagnants de personnes atteintes d’Alzheimer, toute étonnée de la solution trouvée pour rendre les débuts de repas plus calmes et ceci grâce à la description d’une situation spécifiée. Ou bien encore cette éducatrice spécialisée surprise d’avoir réussi à canaliser le discours d’une jeune fille cérébrolésée et à calmer son attitude simplement en lui demandant de prendre le temps de retrouver des éléments de contexte de la situation dont elle veut parler.
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Utiliser les techniques d'Explicitation au sein d'un groupe.Expliciter 99 Juin 2013
-télécharger l'article ( page 1)Depuis que j’anime des formations aux techniques d’explicitation je constate que l’utilisation de celles-ci avec des groupes ne va pas de soi pour la majorité des stagiaires. Je suis en effet régulièrement amenée à répondre à la question « Comment peut-on utiliser ces techniques en groupe ? » Je témoigne alors de comment et dans quelles situations je les utilise ou comment d’autres ont décrit comment ils les utilisent. J’ai donc, pour rédiger cet article, repris, ordonné et développé ce que je suis amenée à présenter au cours de mes formations. Cette réflexion a été initiée lors de la formation au debriefing animée par Armelle Balas Chanel durant laquelle j’étais assistante. L’idée d’écrire s’est confirmée lors d’une séance de GPLe (Groupe de Pairs Lyonnais à l’explicitation) à la suite d’une question d’Elisabeth David et poursuivie grâce à deux entretiens où j’étais A, l’un conduit par Elisabeth, l’autre par Marie Bec. Merci à Nicole Genevois d’avoir pris des notes.En fonction des circonstances, des objectifs, des effets recherchés ce sont tout ou partie des techniques qui peuvent être utilisées. Voici donc dans ce qui suit différentes situations où j’ai pu repérer que l’explicitation trouve sa place. Je me suis attachée à mettre à jour ce qui est spécifique de l’utilisation de la technique dans ces conditions-là.I) En début de séance de formation ou séquence d’enseignementCela peut se pratiquer dans tout type de formation avec tout type de public y compris les enfants et les adolescents. Il s’agit d’utiliser principalement une consigne d’accompagnement en évocation pour obtenir les effets suivants : une entrée dans la séance, une mise en route plus rapide, plus concentrée. L’objectif est également d’exploiter le contenu de ce qui va être retrouvé par chacun et d’établir un lien plus facile avec ce qui va être abordé ensuite. Voici la consigne que j’utilise en général avec des adultes : « On va prendre le temps de se mettre en route… » : j’annonce le premier objectif « Je vous invite à laisser vos notes de côté…juste prendre de quoi écrire si vous avez envie… » :je prépare des conditions propices à l’évocation ( laisser les notes de côté va favoriser le « laisser venir »), j’annonce que l’on va peut-être écrire pour sécuriser les personnes qui ont besoin de l’écriture. « Je vous propose de prendre le temps de revisiter mentalement notre dernier cours ou la journée de stage d’hier ou… » : passage de contrat et accompagnement en évocation. La consigne « revisiter mentalement » est compréhensible par le plus grand nombre. Elle vise un acte connu de la plupart des gens. « et de noter soit dans votre tête soit sur la feuille devant vous ce qui vous revient » : il s’agit d’avoir accès à ce qui s’est passé la dernière fois. J’ai observé que le fait de demander de noter canalise l’attention, donne un statut de vrai travail à ce qui se passe. Je vise ainsi l’adhésion de tout le monde. « Je vous laisse tranquillement faire ce petit travail … » : je préviens ainsi que je ne vais pas intervenir, que j’attends un travail individuel. Le mot « tranquillement » vise à créer des conditions favorables à l’évocation « et dans quelques minutes je vous ferai un petit signe » : j’annonce ainsi que c’est moi qui donnerai le signal de fin et que cela ne va pas durer très longtemps pour éviter l’ennui, le découragement. « …on échangera à propos de ce qui vous est revenu » : j’annonce que les informations notées vont être utilisées. Je vise la motivation et je mets les personnes en projet de choisir les informations qu’elless accepteront de partager avec le groupe. La consigne que j’adapte à un jeune public est légèrement plus directive: « Je vous demande de laisser vos cahiers ou classeurs fermés…juste prendre de quoi écrire si vous en avez envie… Vous allez prendre le temps de revisiter mentalement notre dernier cours … et noter soit dans votre tête soit sur la feuille devant vous ce qui vous revient …Je vous laisse tranquillement faire ce petit travail … et dans quelques minutes je vous ferai un petit signe …on travaillera à partir de ce qui vous est revenu. Pendant l’exercice En général j’observe l’assemblée : des mouvements divers au départ, puis petit à petit tout se calme, des regards décrochent, des crayons sont saisis, certains pour écrire quelques mots, d’autres pour une écriture plus longue…Quatre ou cinq minutes se passent … Tout le monde me semble entré dans l’exercice …Vais-je arrêter l’exercice? J’observe encore…Certains posent leur crayon, d’autres le reprennent… Puis les écritures se tarissent… Je laisse encore un peu de temps pour ceux qui écrivent encore…J’adresse un sourire à ceux qui ont terminé pour leur indiquer que je prends en compte leur attente, j’espère qu’ils verront à mon regard que j’attends les autres…Puis j’interviens : « je propose à ceux qui sont en train d’écrire de terminer leur phrase…Je vous invite à revenir ici et maintenant dans la salle pour que nous échangions à partir de ce temps de retour sur… » La suite L’objectif étant d’exploiter le contenu de ce temps d’évocation je vais alors demander : « qu’avez-vous retrouvé ? » Cela peut me permettre de vérifier ce qui reste d’une séance précédente, de faciliter l’émergence de questions par rapport à une éventuelle difficulté rencontrée, de raccrocher avec la suite de la formation ou du cours. II) Pendant une séance de formation ou une séquence d’enseignement
Cela va de la simple relance à l’entretien d’un individu devant les autres. La simple relance Les questions posées au groupe pour le faire participer à la construction d’une connaissance ou pour vérifier que tout ce qui a été présenté précédemment est clair prennent une autre allure. Bien entendu les « pourquoi » sont éliminés et les questions sont ouvertes. Parmi les interventions d’un membre du groupe j’ai repéré les remarques et les demandes de clarification. Les remarques généralistes vont engendrer de ma part une demande d’exemple (« auriez-vous un exemple pour éclairer ce que vous dites ? » ou « j’ai besoin d’un exemple pour mieux comprendre ») ou bien de ce qui fonde la remarque (« sur quoi vous appuyez-vous pour dire… » ou « comment le savez-vous ? ») . Les demandes de clarification comme la dénégation « je n’ai pas compris » sont contournées. Je ne vais plus me précipiter sur une explication nouvelle ni répondre « qu’est-ce que vous n’avez pas compris ?» mais plutôt « et quand vous n’avez pas compris qu’est-ce que vous avez compris quand même ?». La personne donne toujours quelques éléments sur lesquels je peux m’appuyer pour lui donner une explication qui lui corresponde. L’entretien d’un individu devant les autres Il est possible de mener un entretien d’un stagiaire ou d’un élève devant un groupe avec certaines précautions. La gestion du groupe vient s’ajouter à celle de l’entretien lui-même. Mes préoccupations sont donc que le groupe ne perturbe pas le questionnement et qu’il tire profit de ce qui va se passer. Pour cela je cherche à donner du sens à ce qui va se passer pour un maximum de participants et je veille à ce que l’entretien ne dure pas trop longtemps. Le plus souvent cet entretien intervient lors de la prise de parole (spontanée ou que j’ai provoquée) d’un des membres du groupe lorsque je n’ai pas assez d’éléments pour me représenter ce dont parle la personne. Si j’entends la personne me parler d’un vécu général ma préoccupation sera de lui demander un exemple, si elle me parle d’un vécu spécifié mais ne décrit que le contexte, j’orienterai son attention vers son activité propre. Je ne déclencherai le questionnement que si je sais que le sujet est susceptible de concerner l’ensemble du groupe ce qui me laisse supposer que le questionnement ne sera pas perturbé. C’est le cas lorsque par exemple un stagiaire prend la parole pour verbaliser une difficulté après la réalisation d’un exercice effectué par tout le monde. Je vais durant l’entretien être attentive à tous et en particulier à leur non verbal avec la préoccupation qu’ils ne s’ennuient pas. Je profite des temps d’évocation où la personne questionnée cherche les informations pour jeter ces coups d’œil aux autres. J’ai remarqué que l’ennui apparaît chez les autres membres du groupe lorsque l’entretien « patine » et que et cela se produit bien souvent lorsqu’il n’y a pas ou plus de réel accord de la part de la personne questionnée ( je le repère au non verbal). Cela me fait deux raisons d’arrêter le questionnement même si tout n’est pas élucidé. Dans ce cas je propose à la personne d’arrêter en motivant ma décision : « je vous propose d’arrêter là car je sens que mes questions ne sont pas très claires pour vous » ou bien « je vous propose d’arrêter là car je sens que certains sont un peu perdus face à notre dialogue ». J’enchaîne alors en donnant la parole au groupe à propos de ce qui vient de se passer et je complète avec mes remarques et ce que je peux pointer grâce aux informations récoltées. L’entretien débute par une formulation scrupuleuse du contrat de communication car je sais qu’il n’est pas évident d’être questionné devant d’autres personnes. En général j’arrête le discours de la personne en faisant un geste de la main droite tendue légèrement en avant ( pour adoucir l’interruption) et j’emploie l’une des formules suivantes :« Je peux vous arrêter là ? Est-ce que je peux vous poser quelques questions pour mieux comprendre ? Ou bien « Je me permets de vous interrompre car il me manque des informations pour comprendre ce que vous avez fait… Je peux vous poser quelques questions ? ».J’attends sa réponse… je guette sa réaction, je scrute le non verbal : son visage, ses yeux. Si en même temps que la personne me répond « oui » je sens aux petits regards qu’elle lance autour d’elle et aux mouvements de son corps (sa tête qui se tourne légèrement vers les autres, ses jambes qui bougent, son corps qui se recule légèrement), que cela n’est peut- être pas tout à fait « OK », je rajoute : « si je vous le demande c’est que vous pouvez dire non … ». Mon but est que la personne se sente à l’aise de refuser ce questionnement devant les autres si cela lui pose problème. Si la réponse est « non » je n’insiste pas. Si la réponse est oui je sais, à l’observation de la congruence entre son « oui » et le non verbal, que je peux continuer mon questionnement. Je questionne ensuite jusqu’à ce que j’aie assez d’informations pour me représenter ce qui a été fait, pointer ce qui a été réussi par rapport à la consigne donnée et ce qui l’a moins bien été. Je vérifie auprès de la personne qu’elle a la réponse à sa question puis je m’adresse à tout le groupe et donne davantage d’explications sur la notion en jeu. Je scrute le non verbal et lorsque je repère des acquiescements, nous pouvons passer à autre chose. Avec des enfants ou adolescents la gestion du groupe prend en compte le fait que d’une part la parole des enfants peut être très spontanée et d’autre part le temps d’écoute du groupe est moindre. La durée de l’entretien est me semble-t-il inférieure à ce qu’il peut être avec des adultes. Il arrive qu’au cours de l’entretien et essentiellement pendant le temps de silence durant lequel le questionné accède à l’évocation, un ou des élèves prennent inopinément la parole. L’essentiel est qu’ils ne perturbent pas cette phase si importante. Il est possible de demander à celui qui est intervenu de patienter tout en continuant à accompagner l’autre élève en évocation comme par exemple dans l’entretien[1]mené avec Cédric au sein d’un groupe de cinq élèves, au cours duquel Sébastien un autre élève est intervenu : Prof : Tu en étais où de ton exercice ? Silence Cédric : A la première partie Prof : A la première partie, très bien. Sébastien : Au numéro combien ? Prof : Attends…Il y est là. Il y est…Retourne à ton exercice dans ta cuisine…Oui…Il y est, tu vois, il est devant son exercice…oui… III) Pendant l’animation d’un debriefing d’équipe
Je me place dans le cas d’une équipe (Samu, pompiers, aiguilleurs du ciel, conducteurs de centrale …) qui vient de réaliser une intervention simulée ou réelle. Le debriefing effectué ici vise l’analyse du fonctionnement de l’équipe pour mettre en évidence les origines d’éventuels dysfonctionnements ou au contraire pérenniser les modes de fonctionnement efficaces. Il s’agit donc de décrire ce qui s’est passé au plus près de la réalité pour mettre en évidence la contribution de chacun à l’activité collective avant d’en tirer des enseignements. Les techniques d’explicitation vont permettre à l’animateur de mettre son point de vue de côté pour favoriser l’émergence des différents vécus subjectifs et obtenir la description de l’activité de chacun au sein de l’action collective. Ce qui suit est le fruit de l’analyse des notes prises[2] lors d’un exercice réalisé par des stagiaires dans une formation au debriefing animée par Armelle. Merci à Armelle de m’avoir donné son accord pour les utiliser. La retranscription figure en fin d’article avec l’analyse que j’en ai faite. Le contexte Une équipe de trois personnes (Pierre, Françoise et Marc le chef d’équipe[3]) a réalisé la veille un travail collectif (la construction d’un OVNI avec du matériel à disposition dans la salle). Un débriefing est conduit par deux personnes Joseph et Annie à propos de ce travail : Joseph : « Nous nous retrouvons ce matin pour revenir sur votre travail d’hier de construction d’un OVNI qui devait voler. Cet OVNI on l’a amené ici et l’objectif de ce matin est de revenir sur les différentes étapes de sa fabrication, de manière à revoir ces actions et travailler sur un moment de cette activité. Ça peut être un moment qui s’est bien passé ou un moment qui s’est moins bien passé. C’est à vous de choisir. » Les deux animateurs accompagnent alors les membres de l’équipe dans leur choix. Finalement les trois membres se mettent d’accord pour faire porter la réflexion sur ce qui a bien fonctionné dans l’équipe et s’attacher au temps de réflexion qui a conduit au choix de la forme de l’OVNI. La question à laquelle l’équipe va essayer de répondre est : « Comment avons nous fait pour ne pas bloquer ? ». Suit alors un temps de description durant lequel les deux animateurs vont accompagner les trois membres de l’équipe à l’aide des techniques d’explicitation. Le temps de description sera suivi d’un temps de capitalisation dont l’objectif est de dégager des éléments de réponse à la question de départ. Ce qui me paraît important pour l’utilisation des techniques d’explicitation dans la phase de description L’intérêt est de permettre la description de moments cruciaux du point de vue de chacun des protagonistes. Pour cela à chaque fois la cible doit être nommée de façon à ce que chacun revive le même moment. Le fait de prendre un temps préalable pour que l’équipe se mettre d’accord sur le thème de travail et repère chronologiquement le temps de l’action collective à examiner facilite les choses. C’est ainsi que Joseph peut débuter (réplique 1) en proposant de laisser du temps pour que tous se remettent « dans ce moment-là » de l’exercice effectué la veille. La cible désignée par « ce moment- là » semble claire pour les trois personnes qui viennent de le définir entre eux. Ce qui fait la spécificité de ces conditions d’utilisation des techniques est, me semble-t-il, la reformulation d’informations verbalisées par l’un pour accompagner l’autre (ou les autres) en évocation du moment. Cela permet de désigner la cible avec des points de repère comme « quand untel a dit ou fait ceci… ». C’est ce qu’a fait Annie à plusieurs reprises. 8-A : « Pierre tu as ce moment où vous tenez les bouteilles ? » Pierre semble retrouver ce moment et recadre par rapport à la question de départ : « là on était dans la réalisation » 16-A : « Quand Marc a parlé de portance qu’est-ce que tu faisais toi dans ta tête ? » Annie reformule à l’aide d’une information donnée par un autre protagoniste pour diriger l’attention de Marc vers son activité cognitive du moment. Marc donne alors des informations qui permettent d’élucider sa construction mentale de l’objet puis son but « : « il fallait continuer » Au cours de l’accompagnement d’une équipe, se pose la question de la gestion des prises de parole. La définition préalable du cadre de travail nécessite de poser l’écoute et le respect de la parole d’autrui. L’animateur vise sans cesse l’objectif de questionner chacun sur chaque moment focalisé donc au moment du changement de questionné le passage du contrat est nécessaire. Pourtant dans l’exemple étudié aucun passage de contrat n’a été effectué ce qui n’a pas porté préjudice au questionnement. En effet on peut supposer que comme les membres de l’équipe ont défini eux-mêmes l’objet de travail, ils étaient d’accord pour apporter leur point de vue mais je me garderai bien de généraliser à partir de cet exemple. Le debriefing ci-joint présente la particularité d’être animé par deux personnes ce qui ajoute une difficulté pour le questionnement. Annie et Joseph ont pris un temps pour préparer leur intervention auprès de l’équipe et nous ne savons pas quelles conventions ils ont définies entre eux pour la gestion de leurs prises de parole. La phase de description s’est immédiatement enchaînée après que l’équipe ait déterminé sa question. Les deux protagonistes n’ont donc pas pu se concerter avant le questionnement. C’est ainsi par exemple qu’à l’examen des répliques 19-P et 20-A on peut se demander sur quel critère le questionnement de Pierre a été arrêté. Sur quel critère Annie a-t-elle pris la parole ? Comment a-t-elle décidé de questionner Françoise plutôt que de poursuivre le questionnement de Pierre ? Au moment de la préparation du debriefing les animateurs ont donc à prévoir qui démarre la phase de description puis selon quel(s) critère(s) un questionnement est poursuivi par l’autre animateur. Ils doivent également envisager des choix possibles de focalisation, déterminer les niveaux de fragmentation (ce qui peut déterminer un critère du passage du questionnement d’un membre de l’équipe à l’autre) ainsi que les couches de vécu intéressantes à explorer. Pour conclureEcrire cet article fut pour moi l’occasion de revisiter ma pratique depuis le début. Ce fut un plaisir de redécouvrir que, dès ma formation à l’EdE, alors que mon attention était dirigée avec application vers les entretiens individuels menés, une autre pratique se construisait en parallèle petit à petit, subrepticement : je tricotais l’explicitation avec ma pratique d’animation face à des collectifs. Je soumets maintenant la réflexion que j’ai menée aux critiques de notre groupe et je souhaite poursuivre en examinant ce qu’il serait pertinent de proposer en stage de base pour favoriser l’utilisation de l’EdE au sein de groupes.
L’animation du temps de description et de capitalisationpar Annie et Joseph
Ce à quoi la description a abouti Chacun a pu exprimer sa représentation de l’objet à fabriquer dès la prise de connaissance de la consigne. Pierre imagine un OVNI circulaire comme dans les films, Marc a le souci de la portance et Françoise a l’image d’un avion bien définie dans la tête. La chronologie du vécu que j’ai reconstituée : L’idée est émise au départ (peut-être par Françoise ?) de construire un avion. Pierre juge que c’est trop facile. Marc prend deux bouteilles, Pierre une autre et ils commencent à les assembler. A ce moment -là Françoise,qui veut faire un avion avec une bouteille (pour le fuselage) et une paille, demande à Pierre ce qu’il fait. Il lui répond que c’est la base de l’OVNI. Marc trouve plus pratique d’assembler les bouteilles par le goulot et le suggère. Pierre adhère complètement à ce vers quoi Marc emmène le groupe et commence à assembler avec une base dans la tête mais pas d’idée pour la suite. Françoise se rallie à l’idée des deux autres, leur fait confiance, guidée par Marc « directif dans le bon sens du terme ». Elle sent qu’ils savent où aller et s’imagine l’objet rond comme un freezbee. Marc parle de portance et a l’idée d’utiliser des feuilles de papier. Ce que l’équipe a capitalisé afin de répondre à la question de départ : une écoute de chacun, un guidage fluide de la part du chef d’équipe Marc. Des propositions collectives partagées. La Transcription Dans la colonne de gauche figurent les notes manuelles, il n’y a pas eu d’enregistrement audio. Les points de suspension correspondent aux blancs dans la prise de note. Dans la colonne de droite figure ce que j’ai observé, animée par l’objectif de mettre en évidence ce qui caractérise l’utilisation des techniques par deux animateurs avec une équipe. Je compte sur vous, chers lecteurs du GREX, pour m’éclairer sur ce que je n’ai pas vu.
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Comment le focusing influence ma pratique de formatrice
Expliciter N° 84 mars 2010 - télécharger l'article( page19) Je me suis sensibilisée au Focusing durant les trois premières journées proposées par Bernadette LAMBOY en 2009 autant dire que je ne me considère pas comme formée à cette technique. Il n’empêche que je me surprends de plus en plus à inciter les stagiaires que je forme à prendre des informations données par leur corps. L’anecdote qui suit en est un exemple récemment vécu. Le contexte Nous sommes au cinquième jour d’une formation de base aux techniques de l’explicitation (formation sur 3 jours+2jours) et j’anime un feed back après un exercice vécu en sous groupes. Une stagiaire intervient pour dire : « ce que je retiens c’est que je ne vais pas me lancer à utiliser la technique si je ne le sens pas ». Je détecte de l’inquiétude chez cette personne et je n’ai pas envie de la laisser avec cela d’autant que j’ai observé qu’elle se débrouille bien avec la technique. Je lui demande alors si cela lui est déjà arrivé de sentir qu’elle pouvait se lancer (je sais qu’elle l’a fait, elle l’a évoqué la veille lors du tour de table) Elle me répond que oui et décrit le contexte avec l’un de ses stagiaires. Je lui demande si elle serait d’accord de s’arrêter sur le moment où elle a senti qu’elle pouvait questionner cette personne. Elle répond que oui, s’arrête sur ce moment… -Ce que tu sens là tu le sens dans un endroit particulier de ton corps ? -Oui… Elle montre le plexus et fait un geste d’ouverture avec ses deux mains -Tu peux le décrire ou bien le garder pour toi… Elle ne dit rien mais est toujours en évocation -Prends le temps de repérer là pour toi comment c’est quand tu sens que tu peux te lancer… Et là son visage s’éclaire, elle prend une respiration, hoche la tête me regarde : -D’accord là je sais, je peux… Je renchéris en lui disant qu’elle peut faire confiance à cela à l’avenir, elle a un bon critère là dans ce qu’elle a trouvé pour savoir quand se lancer à questionner. |
Autour d’une question hors contrat
Expliciter N° 84 mars 2010 -télécharger l'article( page16) Un des premiers entretiens que j’ai menés (sans grand succès il faut l’avouer…) il y a déjà un certain nombre d’années…faisait ressortir un problème de contrat non renouvelé. J’ai beaucoup appris le jour où j’ai pris conscience de l’importance de cet outil. Cela me rend probablement très vigilante à ce propos lors des formations que j’anime et Pierre a apporté de l’eau à mon moulin lorsqu’il a formalisé la notion de contrat d’attelage. Depuis que je suis amenée à analyser avec les stagiaires des questionnements qu’ils ont menés je ne cesse d’être étonnée par le nombre d’entretiens qui n’aboutissent pas à cause justement d’un problème de contrat. J’en ai également fait l’expérience récemment et j’ai eu envie de partager mon vécu afin d’illustrer, du point de vue du questionné, un problème auquel je suis sensible. La description des effets d’une fameuse question, que j’avais détectée comme hors contrat, a mis en évidence des co-identités à l’œuvre. Cela m’a amenée à faire des parallèles avec des situations de formation. La situation Ce jour là je participe à un groupe d’entraînement aux techniques de l’EdE. Nous avons décidé d’expérimenter la consigne suivante : B questionne A sur une situation anodine, A signale à B les questions qui le dérangent, les questions qui le font entrer, les questions qui le font sortir de l’évocation. Je suis A. Avant de débuter l’exercice nous nous remémorons la consigne citée précédemment. Je signale à B que je souhaite qu’il m’accompagne pour retrouver dans le détail un geste de « potière » que j’ai bien réussi. Je n’en dis pas plus, B semble d’accord. Mon intention est d’arriver à décrire précisément ce geste (position des mains, mouvements des doigts…) Pour moi le contrat est posé, je suis d’accord pour retrouver cette situation avec l’objectif que j’ai annoncé. L’entretien débute. A l’invitation de B je retrouve la situation, je décris le contexte, puis en réponse aux questions posées par B je décris plusieurs phases de ce geste. C’est alors que je sens que j’ai besoin de m’arrêter sur une phase, je sens qu’il y a des informations à aller chercher, que c’est là le secret du geste réussi, j’aurais tendance à m’y emmener toute seule, je vois des images flash je ne suis pas encore tout à fait stabilisée, il y a une partie de moi qui « freine », empêche la visée à vide, veut expérimenter et permettre à B de s’exercer …C’est à ce moment là que B me pose la question suivante : « Qu’est-ce qui est important pour toi dans le fait de réussir ce geste ? » Je suis surprise, le mot « important » me heurte, même si l’expression « réussir ce geste » m’est plus douce. Je suis coupée dans mon élan, les images flash disparaissent, je tourne mon regard à gauche, je regarde B : je suis sortie de l’évocation et je le dis à B en ajoutant que je « ne suis pas sûre de vouloir répondre à sa question ». B me questionne sur les raisons de mon refus et c’est alors que je lui verbalise que « cela n’était pas dans le contrat de départ ». Retour sur le moment où j’entends le mot « important » C’est à l’instant où j’entends le mot « important » que je ressens de manière la plus vive l’effet de la question de B : Le A que j’appellerai « moi » ressent comme un mouvement de recul, veille à rester « moi » et c’est elle qui refuse de répondre à la question, ne veut même pas aller voir, n’est pas d’accord pour traiter un sujet qu’elle sent trop intime pour être abordé dans ce cadre là. Le A qui « freine » et en même temps « veut expérimenter » sait ce qui l’intéresse de décrire et c’est elle qui est surprise par la question qui lui paraît « à côté de la plaque ». Son attention est toute entière dirigée vers le mouvement fin de ses doigts. Le sujet abordé par B ne l’intéresse pas. Le A « garant »de la technique d’explicitation au sein du groupe, est derrière moi un peu en hauteur, guette. Elle sait où « celle qui a tendance à se guider toute seule » veut aller et elle attend la question dans cette direction. C’est la petite voix qui me dit : « problème de contrat ». Et puis il y a le A « qui hésite » à dire à B qu’elle ne veut pas répondre à sa question. C’est celle qui pèse le pour et le contre, qui respecte B, ne veut pas être la formatrice qui évalue. Mais le A « garant » me tanne, il faut trouver un moyen de lui dire qu’il y a problème de contrat! C’est finalement le A « qui respecte la consigne de dire les effets » qui vient au secours de celle qui ne veut pas blesser B. Le A « qui hésite » décide de lui dire que sa question l’a fait sortir de l’évocation. En lui disant qu’elle n’est pas d’accord elle espère lui faire comprendre qu’il y a problème de contrat. En voulant ménager B elle rajoute qu’elle « n’est pas sûre » de vouloir répondre à sa question histoire de temporiser. B insiste. Le A « moi » se sent poussée dans ses retranchements, le A « garant » évalue que B n’a pas entendu le problème du A « moi » et lance que « cela n’est pas dans le contrat » Vers quoi l’attention est-elle dirigée ? Le mot « important » provoque une réaction très vive. En dehors du fait que j’étais surprise que l’on attire mon attention vers un autre objet que celui que je m’étais fixé, j’ai bien noté que je n’étais pas d’accord pour répondre à cette question. Vers quoi n’étais-je pas d’accord d’aller ? Pour le savoir je me suis remise au même moment dans la situation V1 et me suis demandé : « qu’est-ce qui est important pour toi dans le fait de réussir ce geste ? ». J’ai trouvé mes motivations, des buts reliés à ma vie privée ce qui explique qu’au moment où B m’a posé la question je sente le sujet trop intime pour être abordé dans ce cadre là. Comment le tandem A-B en est-il arrivé là ? J’ai répertorié la conjugaison des différents événements suivants: 1- Le contrat de départ mal défini et non renouvelé Nous nous sommes bien mis d’accord au départ au niveau des consignes de l’exercice que nous nous sommes répétées mais l’objectif du questionnement n’a pas fait l’objet d’une négociation. Alors que je souhaitais décrire le geste dans sa dimension procédurale et n’avais pas imaginé aller au-delà, manifestement B avait l’intention de balayer plus large au niveau des informations satellites et souhaitait questionner les valeurs. Nous n’avons pas pris le temps au départ de préciser nos intentions respectives (je n’ai que vaguement formulé les miennes) et B n’a pas renouvelé le contrat au moment où il a posé sa question. Enfin j’ai ressenti très intensément ce problème de contrat lorsque je me suis sentie « coupée dans mon élan » et je pense que la violence éprouvée d’être « tirée » dans une direction différente de celle que je m’étais donnée a été d’autant plus forte que j’avais tendance à me guider toute seule vers cet objectif. 2- Le passage du procédural à une autre couche de vécu Au moment où B pose sa question il me fait « sauter une marche » : il me demande de quitter le procédural pour diriger mon attention vers une couche de vécu nettement plus impliquante. La demande d’accord était donc nécessaire à ce stade du questionnement. Une question comme « Est-ce que tu serais d’accord pour te tourner vers ce qui est important pour toi dans le fait de faire ce geste ? » aurait été d’une part moins brutale au niveau du changement de direction suggéré ( te tourner vers) et d’autre part bien entendu aurait laissé la place à un refus. De la description des co-identités au parallèle avec des situations de formation 1- Prenons les 3 co-identités suivantes : Le A qui n’est pas d’accord. Le A qui hésite, pèse le pour et le contre, respecte B. Le A qui respecte la consigne décidée par le groupe et vient au secours du A qui hésite. Ce qui a permis au A de dire à B qu’elle n’est pas d’accord c’est, malgré les hésitations, le fait qu’il ait été décidé auparavant de dire les questions qui font sortir de l’évocation. (le A qui respecte la consigne vient au secours du A qui hésite). Peut-on dire qu’avoir l’intention, avant de commencer l’exercice, de signaler à B ses questions qui font sortir de l’évocation provoque davantage ? Cela serait-il comme une autorisation donnée d’en dire plus à B sur les effets de ses questions ? S’il n’y avait pas eu cette consigne ne me serais-je pas contentée de sortir de l’évocation en roulant des yeux étonnés ? C’est pourquoi depuis quelque temps je complète la consigne donnée aux stagiaires avant les exercices en sous groupes : j’invite les A à ne pas hésiter à interrompre l’entretien si une question les dérange, à être attentifs aux effets des questions en particulier à celles qui les font sortir de l’évocation. C’est de plus ce dont ils rendront compte au moment de l’échange interne au sous groupe. L’objectif est de favoriser la conscience chez A et B des sorties d’évocation, d’autoriser A à intervenir au moment où il est questionné et de permettre de réguler l’entretien. 2- Prenons les deux autres co-identités : Le A qui expérimente, dirige l’attention, freine. Le A « garant » qui guette, analyse, veut faire comprendre Durant les formations, les stagiaires pointent souvent la difficulté engendrée par le fait que lorsqu’ils sont A ils sont plus qu’un interviewé lambda. Ils connaissent la technique et sont conscients pour certains à la fois de se guider seuls et de se placer en position méta analysant les questions que leur pose B. L’expérience que j’ai vécue traduit une situation similaire avec un A qui remplit la fonction supplémentaire de freiner. Qu’est-ce qui fait qu’à ce moment là je freine ? Retour sur le moment où je ressens la volonté d’en savoir plus… : me revient alors l’expérience de St Eble où j’avais tendance à me guider toute seule … je sais qu’avant l’entretien je me suis lancée l’intention de « ne pas m’absorber dans le contenu » pour pouvoir dire les effets de ses questions à B. Le fait de me lancer cette intention m’aurait donc permis de freiner. Comment peut-on introduire cela en stage pour permettre au A de freiner et laisser B expérimenter ses questions comme avec un questionné non initié? Est-il possible de lancer de manière efficace une telle intention éveillante et à quel moment ? Conclusion C’est après avoir quitté ce groupe d’entraînement, dans le train, que l’envie de partager cette expérience est née. Ce que j’avais vécu m’avait fortement interpellée et je voyais là l’occasion de le coucher sur le papier tout en faisant un petit exercice d’auto explicitation. Merci à Armelle de m’avoir questionnée pour m’aider à tirer parti des informations recueillies. Cette analyse est très probablement incomplète, je compte sur vous, lecteurs de GREX, pour m’aider à pointer tout ce que je n’ai pas vu. |
Mon expérience du stage d’auto explicitation
Expliciter n° 74 mars 2008 - télécharger l'article (page 34) J’ai eu la chance de participer au stage
d’auto explicitation qui a eu lieu en décembre dernier et je voudrais témoigner
de ce que fut pour moi cet apprentissage. J’ai choisi de relater ici mon vécu
de deux premiers jours où les difficultés mais aussi les découvertes
furent importantes. J’avais fait des tentatives d’auto explicitation
auparavant, stylo en main ou bien devant l’ordinateur, mais cela n’avait pas
donné grand-chose. Je « bloquais vite ». J’avais l’impression d’être submergée
d’informations, que le flux d’écriture ne pouvait suivre, avec la peur de ne
pas écrire assez vite pour saisir toutes ces informations. A ce moment là tout
s’arrêtait, je n’avais plus accès à aucune information et je me décourageais.
Et puis je me disais que de toute façon faire deux choses en même temps
(évoquer et écrire) c’était bien trop difficile pour moi, moi qui regarde
toujours mes doigts lorsque j’écris au clavier ! C’est ce qui ressortit
au début du premier exercice que nous proposa Pierre Vermersch (une autoexplicitation
d’un moment du trajet du matin) où dès le départ, écrire (sur le clavier
d’ordinateur) en même temps qu’évoquer me gêna vraiment. Et puis je découvris
que je me parlais à moi-même ce dont je n’avais pas vraiment conscience
auparavant. Je vais, durant ce premier exercice, attendre un certain temps avant de décider
d’écrire mes agacements (J1 et J2) et les relances que je me fais .Je vais
tester une relance en « je »(R4) puis les autres relances seront en « tu » et
du type « entretien d’explicitation ». Petit à petit je vais ainsi faire des
progrès.
En italique le vécu évoqué. R : les relances que je me suis faites. J : mes autres discours intérieurs
J’arrive devant le
marché, les couleurs, je suis là avec mon cartable… Le poids du cartable… La
tête tournée à droite…Je vois ce que je vois… Je sens cette personne qui met
des fruits dans un sac, je vois le portant, j’ai envie de regarder… R21-On
retourne si tu veux bien au moment où tu t’es dit « tiens ça serait sympa de
m’arrêter »… Voici
le texte écrit à ce moment du stage : J’1-Je
suis perturbée par le fait que je ferme les yeux
Conclusion
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